Le «parvis» de la cathédrale de Chartres se présente, aujourd’hui, principalement comme un espace libre en devenir, fruit d’une volonté de dégagement inaboutie. Au long des dernières décennies, plusieurs projets d’aménagement ont été élaborés, choisis, non réalisés. Un projet en cours relance les réflexions sur ce territoire hautement sensible.
Au commencement, la volonté interrompue de dégagement de la cathédrale
De 1866 à 1905, ont disparu les maisons à l’angle sud-ouest face à la cathédrale et, surtout, les deux tiers de l’ancien Hôtel-Dieu, dont il ne reste que l’aile sud amputée, des caves et fondations sous l’actuelle rue de Bethléem.
La découverte, sous des enduits, des ornements exceptionnels de l’ancienne maison canoniale, qui fait face au Portail Royal, et son classement parmi les Monuments historiques en 1911 a marqué l’arrêt des démolitions.
Les constructions modestes directement adossées à la cathédrale avaient elles aussi été détruites, pour laisser place à un espace pavé clos. Depuis lors, le monument se présente dans toute sa noblesse, simplement serti d’un muret et d’une grille qui le protègent et absorbent les différences de niveaux de sols avec l’espace public.
Le secteur sauvegardé propose un cadre
Le dégagement du «parvis», ou plutôt de l’îlot faisant face au Portail Royal, resté ainsi inachevé depuis le début du XXe siècle, la question de son réaménagement est devenue récurrente avec la mise en place du secteur sauvegardé, approuvé en 1971, puis lors de sa révision au début des années 2000. En 1971, il est proposé de restituer l’alignement des maisons canoniales face à la cathédrale par un quadrilatère d’arbres.
Un premier concours d’architecture en 1993, sous la municipalité de Georges Lemoine, pour la création d’un centre international médiéval, a été l’occasion d’un vaste chantier de fouilles, qui a révélé en partie les bases un grand édifice antique, dont l’orientation correspond à celle de la cathédrale1
. L’architecte Patrick Berger en fut le lauréat avec un projet sobre, calé à l’extrémité ouest de l’espace libre, donnant ainsi un fond de perspective contemporain aux vues depuis le Portail Royal. Redonner la notion de cloître, maintenir une esplanade accueillant touristes et pèlerins, implanter un édifice à distance pour servir d’écrin aux vestiges archéologiques et d’observatoire de l’architecture étaient les guides majeurs de cette proposition.
La révision du secteur sauvegardé
Ce projet étant resté sans suite, la question de retrouver l’esprit dense et resserré de l’enclos canonial a été largement débattue, lors de la révision du secteur sauvegardé, approuvée en 2007. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur offre la possibilité de restituer les volumes disparus de l’ancien Hôtel-Dieu, mais écarte avec prudence la possibilité de construire juste en face du Portail Royal. La mémoire des maisons disparues à cet endroit peut être évoquée par un mail planté.
Un projet d’aménagement des sols du Cloître Notre-Dame2
, confié à l’architecte en chef des Monuments historiques Gabor Mester de Paradj en 2000, proposait de supprimer la grille entourant la cathédrale, comme pour «libérer» l’édifice et le rapprocher des visiteurs. Les responsables de la cathédrale et la commission supérieure des Monuments historiques ont tranché pour le maintien de cet ouvrage du Second Empire, dont le rôle de mise à distance présente un intérêt esthétique et de conservation.
Un nouveau programme d’ensemble
L’actuelle municipalité, dès son arrivée en 2001, a préféré surseoir à ce projet pour mener une réflexion plus globale sur le centre historique et lança en 2009 le marché d’étude et de définition pour la requalification et la redynamisation des abords de la cathédrale. L’agence Format 6 et l’architecte-urbaniste Michel Cantal-Dupart en ont été les lauréats et mènent actuellement les études de faisabilité et d’approfondissement du projet.
Le programme est celui d’un centre d’interprétation de la (ou des) cathédrale(s), et de la ville médiévale, associé au réaménagement des espaces publics du Cloître. Formellement, le centre peut se définir comme une infrastructure, à la fois plafond qui vient recouvrir l’espace de fouilles des années 1990 (qui sera dégagé et aménagé pour la visite) et sol du futur «parvis».
La dalle s’élève progressivement depuis la cathédrale vers l’extrémité ouest de l’espace libre, assurant l’esplanade recherchée pour les grandes manifestations, notamment les pèlerinages, et donnant aux visiteurs un point d’observation plus élevé et ouvert qu’actuellement vers la façade occidentale du monument.
Le lien Youtube présente le projet dans son état d’avancement actuel et tel qu’il fut présenté en commission nationale des Monuments historiques en novembre 2016.
Etat d’avancement des projets
À ce jour, il est arrêté dans ses grandes lignes, il s’agit encore d’une esquisse, dont le traitement architectural reste à affiner, et qui demande à être ajustée dans ses limites, pour s’adapter au mieux au bâti existant côté nord et aux substructions côté sud. Par exemple, l’emplacement de la salle Saint-Come (démolie) de l’ancien Hôtel-Dieu sera précisée par des fouilles archéologiques, et il a été souhaité qu’elle soit rappelée de manière sobre, par le traitement du sol, sans forcément d’évocation architecturale.
Un comité de pilotage se met en place, en vue de préciser les orientations et le contenu du futur centre d’interprétation qui présentera à la fois les vestiges antiques, qui serviront de cadre à la visite, des collections à définir, et préparera à la découverte du monument et de la ville médiévale. Se concentrent autour de la cathédrale d’autres équipements culturels, ferment de synergies possibles tels que le musée des Beaux-Arts ou le Centre international du Vitrail.
- C’est sans doute la présence de ces substructions majeures qui explique l’implantation de la cathédrale, désaxée par rapport aux points cardinaux. ↩
- «Cloître Notre-Dame» est le nom donné à l’espace public qui entoure la cathédrale, à l’intérieur de l’ancien enclos canonial, dont le tracé et les portes sont encore très lisibles dans le parcellaire. ↩